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ENTREVUE AVEC JEAN SOULARD

Crédit photo : Le Devoir

J’ai connu Jean Soulard lors d’une entrevue conjointe avec Josée Blanchette, journaliste pour Le Devoir.

https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/539390/l-anthropocene-c-est-maintenant

Elle nous avait réunis chez elle, le temps d’un après midi, afin de discuter cuisine au cannabis. Je venais de publier mon livre « Le cannabis médicinal, le connaitre et l’utiliser »

(http://www.editions-trecarre.com/cannabis-medicinal/veronique-lettre/livre/9782895687580)

Et lui, son livre « Cannabis en cuisine, ce n’est pas comme du basilic » (https://www.renaudbray.com/Livres_Produit.aspx?id=2617959&def=Cannabis+en+cuisine+:+…ce+n%27est+pas+comme+du+basilic+!,SOULARD,+JEAN,9782890778436)

Nous avions eu beaucoup de plaisir à échanger sur nos expériences et nos méthodes. C’est donc avec joie, que je l’ai contacté pour cette entrevue, qu’il a accepté sur le champ, malgré son horaire chargé.


1) Jean, qu’est ce qui t’a donné envie d’expérimenter la cuisine au cannabis ?

Je dirais la curiosité et mon désir d’apprendre et d’innover.

Toute ma carrière, j’ai essayé d’emprunter des chemins nouveaux, qui ne sont pas tracés d’avance. Par exemple, lorsque j’étais chef au Château Frontenac, j’ai créé un jardin sur le toit du Château. Déjà, c’était très novateur, mais lorsque j’ai ajouté des abeilles et des poules Chanteclerc (espèce menacée du Québec), on m’a carrément traité de fou!

Ça ne me dérange pas car j’ai toujours aimé sortir des sentiers battus.

À la fin de l’automne 2017, on sait que la légalisation s’en vient et je suis intrigué par la cuisine au cannabis, moi qui, pourtant, n’a jamais fumé un joint de ma vie. J’ai commencé à faire des recherches sur Internet. Je voyais des gens du Colorado cuisiner en soupoudrant leur cocotte égrénée dans leur mélange et je questionnais sérieusement leur méthode qui me semblait improvisée.

Ma première démarche fut de m’entourer de spécialistes tel que Normand Voyer, chimiste, de même qu’un toxicologue de l’Université et deux chercheurs sur le cannabis thérapeutique. Une fois mon apprentissage terminé, j’ai décidé de passer à l’action en achetant du cannabis d’un de mes amis en commençant à tester mes recettes.

2) Est-ce que c’est plus difficile ou complexe que tu t’imaginais au départ ?

Pas du point de vue « chimie », mais plutôt du point de vue « éthique ». J’ai été mon propre cobaye et ma première expérience a duré près de 24 h! J’ai ensuite commencé à faire goûter mes recettes à mes voisins et amis afin de tester les dosages. J’ai rapidement constaté que les effets varient énormément d’une personne à l’autre. Notre seuil de tolérance au THC n’est pas du tout le même. Les effets varient aussi selon le moment. Par exemple, j’ai servi un dosage identique à la même personne, à une semaine d’intervalle, et les effets ont été différents.

C’est difficile de contrôler l’effet sur les gens. Parfois, je me demandais « Pourquoi tu fais ça Jean? ». Mais la curiosité prenait le dessus et, de toute façon, la légalisation était à nos portes, qu’on le voulait ou non.

3) Tu as fait preuve d’audace en étant le premier chef au Québec à publier un livre sur le sujet. Quelle a été la réaction des gens autour de toi ? Et celle des autres chefs ?

C’est la question qu’on me pose le plus souvent.

Honnêtement, c’est mon onzième livre et je n’ai jamais eu à me justifier autant sur un bouquin! Je ne l’ai pas fait par opportunisme, mais pour découvrir et apprendre.

J’ai toujours droit à deux réactions face au livre :

  • Les « Qu’est-ce que tu fous? » ou Les « T’es le seul qui pouvait faire ce genre de bouquin »

J’ai beaucoup écouté les gens mais pour moi, c’était une réalité. Le cannabis arrivait et allait rester, qu’on le veuille ou non.

Malgré tout, je dirais qu’en général les commentaires étaient assez favorables. Pour ceux qui l’étaient moins, je leur suggérais de lire les 25 premières pages de mon bouquin avant de juger (ces pages sont l’explication des experts collaborateurs), ainsi ils pouvaient voir la rigueur que j’y avais mis.

4) Est-ce une avenue que tu as envie de continuer à explorer ?

Non, pas du tout. J’ai commencé mes expériences au début novembre et terminé à la fin avril. Il me reste encore du beurre et de l’huile de cannabis dans mon frigo et je n’y ai pas touché depuis.

J’ai fait le tour. J’ai appris ce que je voulais apprendre. Aujourd’hui, je me concentre sur les conférences.

5) Penses-tu que les consommateurs Québécois sont prêts pour ça ?

Je dirais non dans une proportion de 50%. Ce n’est ni bien, ni mal.

L’avantage de la légalisation c’est qu’on peut maintenant avoir accès à des produits dont la qualité et la concentration sont contrôlées.

À l’époque, comme j’avais acheté mon cannabis « au noir » j’ai au moins pu le faire analyser avant de le cuisiner. Aujourd’hui, on n’a plus ce problème.

Je constate quand même que l’acceptation sociale n’est pas au rendez-vous. Consommer du vin et prendre la voiture après est « socialement toléré », mais pas pour le cannabis. Il y a de l’incohérence mais ça, c’est un autre débat!

On a le pied sur le frein et je comprends ça. Si ça n’avait pas été dans de l’aspect « cuisine » du cannabis, j’aurais suivi ça d’un œil discret.

6) Quels sont les conseils que tu donnerais aux gens qui veulent s’y initier ?

Le cannabis reste une drogue. Comme on dit si bien « La modération a bien meilleur goût ». Et il n’y a pas d’obligation à l’essayer non plus.

Merci Jean!

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